Zhang Yimou est un réalisateur chinois de la « 5ème génération », ce mouvement de cinéastes chinois qui s’est fait connaître à partir de la fin des années 80 dans les festivals internationaux. Alors que la Chine s’ouvrait culturellement au monde, ils ont apporté des films nouveaux, reflets de l’intériorisation arrivée à terme de tout un peuple.
Avec Le sorgho rouge (1987), Opération Jaguar (1989), Ju Dou (1990), Épouses et concubines (1991), Qiu Ju (1992) et Vivre ! (1994), Zhang Yimou frappe très, très fort avec des films, très beaux, très tristes, et très crus. Il mettent tous en scène Gong Li, qui frappe par son charisme à toute épreuve et qui se raccroche à l’une des thématiques fétiches de Zhang : la position de la femme en Chine. En 1995, le duo continue avec Shanghai Triad, un pseudo-film de gangster.
Pourquoi pseudo ? Pour vous faire une idée avec un exemple plus récent, The assassin de Hou Hsiao-hsien est un pseudo-film d’arts martiaux. Dans The assassin, il y a les plus belles séquences de combats au sabre jamais réalisés dans un film, mais ces séquences de combats n’atteignent pas l’objectif de déploiement visuel d’un film d’arts martiaux normal. En fait, ces séquences de combat ne cherchent pas à contenter les amateurs de films d’art martiaux en leur proposant une certaine puissance visuelle. Allons plus loin : ces séquences de combats ne sont pas des scènes d’action. The assassin est un drame qui repose sur deux choses : sa plastique ultime et ses multiples sens cachés qui rassasient les cinéphiles les plus acharnés.
Sans aller jusque dans cette complexité, Shanghai triad obéit au même principe : le film prend place dans l’univers des triades, mais est avant tout un drame, qui s’attache à l’émoi des personnages, à la place qu’ils occupent dans leur société. À ce titre, Zhang applique la finesse du drame, genre dont il a le secret, et l’applique dans un contexte de polar. Il en résulte un film somptueux, très poignant par ce qu’il raconte et par la façon dont il l’illustre, tout en prenant la couleur d’un film de gangster, avec ses caïds, ses hommes de main, la soif d’ascension, la vengeance, etc.
Zhang Yimou s’est écarté de sa façon de procédé de prédilection dans les années 2000, pour réaliser des films totalement différents, beaucoup plus conventionnels et grand public. Cette période de sa carrière n’est pas sans intérêt. Mais ses films des années 1990 sont vraiment uniques et sont plus forts de propos les uns que les autres. Shanghai triad est déjà le 7ème film du réalisateur à même pas 10 ans de carrière, et il ne montre aucun signe d’essoufflement. Sa subtilité est intacte.