Prémices d’une œuvre (2/2) – LA NOUVELLE LÉGENDE DU GRAND JUDO d’Akira Kurosawa (1945)

Après La légende du grand judo en 1943, le 3ème film d’Akira Kurosawa est la suite du récit de Sanshirô Sugata. Nous sommes encore dans les films de jeunesse du maître, mais il continue à développer les thèmes et les gimmicks de mise en scène qui lui seront propres.

Passé une scène d’introduction à l’humour douteux, le film est ponctué de séquences importantes, que ce soit dans l’analyse de l’œuvre de Kurosawa, ou dans l’analyse du cinéma asiatique en général. En effet, dans La nouvelle légende du grand judo, Kurosawa aiguise ses techniques de mise en scène, au-delà des procédés narratifs, pour proposer des séquences riches de sens. Nous évoquerons trois éléments.

Premièrement, les adversaires de Kurosawa dans ce deuxième volet arborent des cheveux semblable à des crinières et des expressions sévères. Comme à bien des reprises par la suite dans sa carrière, Kurosawa fait ici référence à l’esthétique du théâtre no. Il en résulte des personnages brutaux, effrayants, qui semblent hors du temps, à l’image de leur art martial (le jiu-jitsu) en train de mourir.

Ensuite, le combat dans la neige est très avant-gardiste. On sent que les contraintes techniques de l’époque limitent quelque peu la lisibilité des scènes (notamment à cause d’une luminosité parfois trop faible). Il n’en demeure pas moins que la silhouette des protagonistes, dans ce cadre, avec ces gestes de combat (notamment l’arbre coupé par le tranchant de la main) est une nouveauté pour l’époque, et la regarder avec nos yeux d’aujourd’hui ne nous laisse pas indifférent. On se demande en effet comment Kurosawa a pu avoir l’idée d’une telle mise en scène en 1945, à une époque où le cinéma d’action était à l’état de prototype.

Ensuite, cette séquence finale dans l’abri, dont je ne vous révèlerai pas le contenu, mais dont je peux dire qu’elle témoigne d’une grande humanité, nous rappelle une chose : le cinéma d’Akira Kurosawa peut verser dans l’action (Les 7 samouraïs, etc.) mais a toujours l’ambition d’aller beaucoup plus loin dans la psychologie et le propos. C’est pour cela que Kurosawa a pu inspirer aussi bien Bruce Lee qu’Andrei Tarkovski.

En plus de ces éléments de mise en scène, notons le développement de l’antagoniste du précédent film. Le repentir d’un homme violent est un jalon du questionnement sur l’humanité chez Kurosawa.

Dès La nouvelle légende du grand judo, on comprend que Kurosawa rêve que ses films soient compris de tout être humain. Ses prochains films confirmeront sa force de propos.

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