Je vous avais déjà parlé du premier film de fiction de Hirokazu Kore-eda, Maborosi. J’ai vu récemment son deuxième, After life, sorti en 1999 et il y a, une fois de plus, beaucoup à dire sur ce film riche en sens et en idées formelles.
After life se déroule dans les limbes, entre le monde des vivants et le ciel, dans une administration qui accueille les morts afin de leur faire choisir un souvenir de leur vie qu’ils emporteront dans l’au-delà. La mécanique est réglée comme dans le monde des vivants, avec une semaine de travail, le jour et la nuit, de la consommation d’électricité à limiter, des employés en charge des usagers… Étonnant pour un lieu aux portes de l’au-delà. C’est une force du film mais pas la seule.
Formellement donc, le film est original dans son idée et sa représentation partiellement terre-à-terre. En effet, tout apparaît palpable, matérialisable. C’est simple : si on ne nous disait pas qu’il s’agit des limbes, on ne le saurait pas. Pourtant, la mise en scène nous montre un endroit bel et bien hors du temps : le brouillard le matin, le bruit de vent continu, la longueur des plans-séquences, le choix de cadrage dans les face-à-face avec l’administration, le calme et la sérénité des lieux, la vieille pierre du bâtiment comme la végétation extérieure, tout nous parait extrêmement reposant pour l’âme. C’est bien le lien entre ce que veut signifier le film et, du coup, ce que ressent le spectateur : la cohérence est parfaite. C’est en fin de compte dans ce genre de détails de mise en scène que l’alchimie prend et que l’on croit totalement au message que nous propose le réalisateur : car le ressenti est très important, surtout lorsque qu’on aborde le style contemplatif.
L’autre tour de force du film, c’est effectivement de nous parler de deuil et de mort, mais sans vraiment nous attrister, ou nous apeurer vis-à-vis de cela. Dans la mise en œuvre d’une longue et belle antithèse, Kore-eda nous montre comment préparer sa mort et de fait, comment préparer la paix de son âme. Les personnages vont revivre de beaux moments de leur vie, balayer leurs doutes et leurs regrets. C’est donc avec un étrange bien-être que l’on suit le film, bercé par ces sons et ces sensations qu’expriment la mise en scène…
Par la suite, Kore-eda changera quelque peu de registre dans sa filmographie, en nous proposant toujours des films de grande qualité. Mais ces expériences que sont ses deux premiers films, Maborosi et After life, restent à part dans son œuvre. Une fois encore, Kore-eda a atteint les sommets du genre contemplatif, en en explorant les moindres recoins, et nourrissant ainsi notre esprit et notre âme. À moins d’être vraiment trop réservé vis-à-vis de la thématique de la mort et du deuil, After life est une catharsis, un film qui n’a rien à envier aux essais philosophiques qui traitent de cette thématique.