Réaliser égal militer – A GIRL AT MY DOOR de July Jung (2014)

Quels sont les éléments qui font la force d’un film ? Quelle alchimie miraculeuse permet au spectateur de se dire « oui, j’ai aimé ce film ? » C’est ce dont nous allons parler avec A girl at my door, film coréen de July Jung, sorti en 2014, typique du film donc chaque image me subjugue.

Dans A girl at my door, une cheffe policière, interprétée par la géniale Bae Doona, est mutée pour d’obscures raisons à la campagne. Elle y découvre une communauté bourrue, tolérante vis-à-vis d’un homme qui bat sa fille adoptive. Cette dernière voit en notre héroïne une force de la nature, rassurante, capable de tenir tête à son affreux beau-père. C’est alors qu’elle va un soir toquer à sa porte, en guise d’appel à l’aide, d’où le titre du film, « a girl at my door ».

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Premier et seul film pour le moment de la réalisatrice July Jung, A girl at my door a été quelque peu remarqué à sa sortie. En partie grâce à son actrice dans le rôle principal, Bae Doona. Véritable star du cinéma coréen, actrice charismatique et de premier plan, elle a joué pour Bong Joon-ho et Park Chan-wook, et a même vu sa carrière résonner au niveau international en travaillant régulièrement pour les Wachowski, notamment la série Sense8. Dans A girl at my door, elle joue avec une justesse incroyable ce rôle de femme flic, tantôt justicière qui sanctionne les comportements les plus bas et sauve sa victime d’un bourreau, tantôt personne incomprise et jugée sévèrement par la communauté conservatrice à laquelle elle a affaire.

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Vous l’aurez compris, A girl at my door est un film engagé et porté par une actrice incroyable. Mais ce n’est bien évidemment pas tout. Le film, dans son déroulé, témoigne d’une réalisation impeccable, qui mène de front un sujet difficile (grosso modo, le féminisme en milieu hostile) et le porte aux nues. Le cinéma coréen est habitué des images de haute qualité (probablement dû à utilisation systématique du meilleur matériel, je ne sais pas, si un spécialiste peut confirmer) et ici, c’est d’autant plus vrai que la réalisatrice a accordé beaucoup à une lumière crépusculaire, blanche et rouge, qui distille un peu de spleen tout le long du déroulé du film, ainsi qu’une sensation de finalité ou de fatalité. Le crépuscule peut en effet être vecteur de ces concepts. Voilà l’exemple d’un choix visuel raccord avec l’intention du film.

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Quid de l’intrigue ? Sans spoiler, disons que A girl at my door donne une importance capitale aux qualités humaines de ses personnages, le meilleur comme le pire. Ceci est vrai pour l’héroïne, entourée d’un mystère en particulier qui justifie son départ de la ville (et permet un beau character development en même temps que des relances de tension dans l’intrigue), pour la jeune fille en détresse, dont le drame personnel va concrètement affecter tout le background du film, y compris jusqu’à mettre en difficulté l’héroïne, et bien sûr son beau-père, être abject, présenté sous les plus mauvais hospices. Certains pourront dire « oui mais c’est peut-être un choix un peu trop tranché de peindre ce beau-père comme un salopard fini ». Comme je l’ai dit plus haut, il s’agit d’un film engagé, et j’ai envie de dire, presque à vocation naturaliste. Si on avait voulu peindre le caractère de ce personnage en demi-teinte, on aurait obtenu – je ne sais pas si le terme est très approprié – un film mélo-dramatique à l’américaine, qui lance des choses intéressantes, des pistes de réflexion mais qui à force de vouloir arrondir les angles, manque son objectif d’éveiller les consciences. Tout le dernier tiers du film cristallise ce choix de vouloir montrer le plus mauvais aspects de ces hommes, en exposant à l’écran et injustices et préjugés. Nous spectateurs, avons toutes les cartes en main pour comprendre en quoi il s’agit d’injustices et préjugés, et c’est précisément là que le message fait mouche.

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Donc, A girl at my door est typiquement le genre de film qui fonctionne à tous les étages. Excellents acteur.rice.s, scénario à fond de train vers la visée finale, un propos critique -à titre personnel, je pense que c’est sur cet aspect que le cinéma fait le plus sens- une photographie magnifique… Si ce n’est déjà fait, je vous recommande de vous jeter sur ce film. Et attendons ensemble le prochain film de July Jung.

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2 commentaires sur “Réaliser égal militer – A GIRL AT MY DOOR de July Jung (2014)

  1. Très belle critique, j’aime notamment le fait que tu ne spoiles pas le film. Ton paragraphe où tu compares avec les films américains frappe en plein dans le mille, c’est exactement l’impression que j’ai vis-à-vis de nombreux films US. Et du coup je comprends mieux pourquoi le cinéma coréen me parle plus 🙂 Un peu surprise par contre que tu n’évoques pas une fois le fait que c’est Lee Chang-Dong qui produit le film, je ne dis pas que c’est un gage automatique de qualité mais là y’a pas plus évident comme collaboration vu les films du monsieur (j’adore ce qu’il fait).

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