La chimie du cinéma – HANA-BI de Takeshi Kitano (1997)

Il est des films dont il est difficile de déceler ce en quoi ils réussissent. Le cinéma est en effet un assemblage d’un paquet de petits éléments, si bien qu’il jaillit parfois de cela une étrange vertu.

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Je connais peu Takeshi Kitano en tant que réalisateur, je n’ai vu qu’ANIKI MON FRERE, ZATOICHI et très récemment HANA-BI, ressorti en salle en version restaurée avec L’ETE DE KIKUJIRO et KIDS RETURNS. HANA-BI m’a fait très forte impression, car il s’agit d’un film policier/de gangster contemplatif. À titre personnel, j’associe souvent le contemplatif à une introspection en lien avec une symbiose des personnages avec leur environnement. Autant dire qu’un environnement naturel ou traditionnel est plus que propice à ce qualificatif, d’autant plus en Asie et au Japon, à travers la culture du zen. Or le film de gangster est un type de cinéma qui porte une réflexion sur la violence et sur l’humain en tant qu’élément autodestructeur, en milieu urbain.

Lorsqu’en général, introspection il y a dans ce type de film, il s’agit bien plus d’un message politique frontal, et non d’une sensation aérienne (je pense à SCARFACE 1932). Les films de gangsters qui possèdent des moments aériens, il en existe. Il s’agit cependant plus souvent d’une mise en scène d’une idée du romantisme (les films de Johnnie To et pas mal de polars hongkongais finalement).

Si j’ai fait tout ce détour en vous donnant ma définition de ces pans cinématographiques, c’est pour mieux vous dire que Takeshi Kitano s’est immiscé dans un court et difficile interstice, et qu’il a réussi à mélanger des saveurs quasi-antinomiques avec brio. Avec beaucoup de violence et beaucoup de sensations aériennes, Takeshi Kitano est parvenu dans HANA-BI à évoquer les sentiments humains les plus profonds et avec un élan nostalgique sans pareil. HANA-BI, c’est la violence du quotidien associée au souci d’autrui, c’est la pratique de la violence physique associée à l’altruisme, c’est être face à la mort, la sienne et celle de ses proches, en contemplant la beauté du monde et des sentiments. Bref c’est l’enfer et le paradis, qui se rejoignent dans un feu d’artifice de toute beauté.

Kitano ne fait pas que jouer sur la discordance. En réalité, il ne le fait pas du tout, puisque la discordance provoque malaise et questionnement sur des sujets politiques. C’est le credo d’énormément de films, au hasard TAXI DRIVER, qui montre comment un jeune homme à l’écart de la société peut péter les plombs et provoquer un bain de sang. La discordance est un procédé qui joue sur le décalage pour remuer les tripes du spectateur. Il n’y a rien de tout ça dans HANA-BI, puisque tout est beau, la violence alimente étonnamment la bonté du personnage de Kitano pour créer une sensation harmonieuse. La violence est inévitable et on dit du personnage de Kitano qu’il a des tendances psychopathiques, mais cela ne l’empêche pas de veiller sur sa femme et son meilleur ami, d’une manière sincère, puissante, avec une dose maximale d’amour.

Kitano a donc réussi quelque chose de très difficile, créer un film de gangster contemplatif. Il n’est jamais trop tard pour découvrir les meilleurs représentants du 7e art, quand bien même le film a 20 ans d’âge. Kitano est un grand maître du cinéma contemporain, et je vous invite, si comme moi vous le connaissez pas ou peu, à aller voir tant qu’il est encore temps ses films restaurés.

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10 commentaires sur “La chimie du cinéma – HANA-BI de Takeshi Kitano (1997)

  1. Et bien, chouette article! Je ne pensais pas que tu n’étais pas familier de Kitano. Pour ma part, il peut me décevoir en un battement de cil, je trouve ça très frustrant.. Mais il est quand même super charismatique et intelligent.
    Je crois qu’il y a l’Eté de Kikujiro qui va ressortir au cinéma? Si tu as l’occasion, vas y!

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    1. Hey, ton premier com’ ici, merci ;D
      Te décevoir sur quel plan ? Cinématographique ?
      Oui il y a l’été de Kikujiro qui ressort mais il ne passe pas par chez moi. J’ai pu voir Hana-Bi car j’ai été sur Paris 2 jours la semaine passée 🙂

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      1. J’ai pas eu le temps de m’en lasser haha
        Mais c’est vrai que j’ai pas du tout été convaincu par Zatoichi. Il n’a aucun souffle contrairement aux deux films de Kitano que j’ai vus.

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  2. Enfin de retour, ça fait plaisir de te lire ! Désolée, je ne crois pas au hasard quand tu cites Taxi Driver :p N’ayant pas vu le film, je me passerai de commenter celui-ci. En revanche je trouve que ce format d’article plus court est réussi, tu vas à l’essentiel sans être avare d’informations et de ressentis !

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    1. Ooh merci :3
      Je n’hésiterais pas à employer ce format quand je le sens. En revanche, j’aimerais par moment creuser plus loin une analyse. C’est peut-être là qu’interviendra le format vidéo qui me fait tant réfléchir depuis 2 ans !

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  3. Oui, voilà, ça te permettra d’alimenter de temps en temps le blog ! C’est trop cruel sinon de nous priver de lecture… Je suis sûre que tu trouveras le format qu’il te faut, après 2 ans de maturation ça ne peut qu’être bon !

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    1. Je pense que pour le format vidéo, j’ai besoin d’un déclic avec un proche. J’ai parlé de ça beaucoup avec plusieurs de mes proches et ils se sont montrés très bienveillants et ont apporté de bonnes idées, mais comme c’est toujours aussi flou dans ma tête, j’ai du mal à démarrer. Je continuerai à discuter avec eux et j’espère que ça viendra 😉
      Du manque carrément ? :’)

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